Tous ceux qui se sont déjà promenés sur les plages du nord, dont l’une des plus célèbres est certainement celle de Zuydcoote, se souviennent de ces énormes abris en béton datant de la seconde guerre mondiale et que l’armée allemande a semé le long de la côte, pour se protéger d’un éventuel débarquement allié. On les appelle les blockhaus et j’y jouais quand j’étais petit, ce qui n’est pas à faire car les dangers y sont nombreux: chutes, éboulis de sable, ensevelissement… évitez à vos têtes blondes de se mettre en situation de risque.
Avec les déplacements des dunes, certains se retrouvent désormais sur la plage voire dans l’eau de mer. C’est en tout cas devenu une sorte de dépotoir de la mémoire ! A part de nombreux tags du plus mauvais goût et une forte odeur d’urine, ces épaves de béton représentaient seulement un véritable dépotoir de ruines à ciel ouvert et des lieux de drague très peu licite. Jusqu’à ce qu’un véritable détournement artistique débute en 2014, dans l’esprit créatif d’un artiste qui demeure anonyme, mais fait connaître son travail sur Internet, pour ceux qui ne peuvent se rendre sur les plages du nord.
Il a été inspiré par le Land Art, datant des années 70 et qui était un mouvement tant artistique que politique. Le travail effectué sur le « blockhaus miroir » (http://anonymeuntitled.wixsite.com/blockhaus) est impressionnant et donne des images d’une exceptionnelle beauté, appuyées sur une matière qui devait à jamais demeurer hideuse.
La structure a été entièrement habillée de mosaïques de miroirs… c’est comme si elle disparaissait dans le ciel et les dunes, en un tourbillon de lumière qui rend cette masse inerte quasi mobile sous les nuages mouvants. C’est devenu une splendeur qui se révèle tout en disparaissant du paysage, une idée extraordinaire ! L’artiste a voulu dresser contre l’entêtement hostile du béton, la fragilité du miroir brisé… Finalement, regarder ce blockhaus brillant est un peu comme se pencher sur notre propre passé et ses revenants, tout en admirant le présent. On s’y plonge et on en oublie presque l’horreur des bombardements et combats, qui ont fait dans ces murs épais de trop nombreux morts.
Peut-être est-ce même une sorte de signal d’alarme à une période où les bruits de bottes reprennent, voire même un rappel de ce que la nature nous demande de la protéger, et dieu sait que celle des côtes nordistes est belle ! C’est aussi une victoire de la création sur la destruction. Espérons que l’artiste continuera cette œuvre commencée de manière brillante, car les supports ne manquent pas. N’hésitez pas, si vous ne pouvez vous promener sur ces magnifiques plages, à aller voir cette œuvre sur son site officiel.